Optimiser la productivité des jardins forêts avec des techniques de conservation des sols et de l'eau 

Écrit par Olivier Allongue - responsable de formation
Contributeurs : Mgonzo Dunia Ally - formateur national en Tanzanie
Peter Kingori - Formateur de l'Afrique de l'est 
Babou Ndao - formateur national au Sénégal

 

Travailler dans l'agriculture est un métier exigeant. Avec le changement climatique et les effets à long terme des techniques agricoles conventionnelles sur des sols déjà dégradés, cela devient de plus en plus difficile. Les agriculteurs du monde entier sont confrontés de plus en plus souvent avec de mauvaises récoltes en raison de la sécheresse ou d'un rendement non substantiel causer par des sols appauvris qui manquent les nutriments nécessaires à la croissance des cultures. Les agriculteurs de jardin forêt apprennent à atténuer ces défis grâce à l'utilisation d'un large éventail de techniques de conversation du sol et de l'eau qui utilisent mieux ces ressources limitées. 

Le brise-vent 

Dès le début, les agriculteurs du programme se concentrent sur la protection de leur champ - non seulement contre les intrus indésirables comme le bétail en pâturage - mais aussi contre les vents nocifs qui peuvent balayer leur couche arable riche en nutriments. En plantant plusieurs rangées protectrices de clôtures ou haie vivantes en combinaison avec un brise-vent, les agriculteurs commencent à stabiliser leur sol et à réduire les dommages causés par les vents violents. 

Pour s'assurer que le vent ne fait pas simplement obstacle au brise-vent et ne retombe pas dans le champ, causant des dommages à l'intérieur, les agriculteurs plantent des allées d'arbres pour segmenter et protéger davantage leurs zones de culture. Ces allées, disposées tous les 10 mètres environ, servent de plus petits brise-vent. Les arbres légumineux fixateurs d’azote sont souvent sélectionnés pour la culture en couloirs. Les racines de ces arbres fixent l'azote atmosphérique dans le sol pour être absorbé par les cultures environnantes. Les racines absorbent aussi les nutriments des profondeurs du sol où ils sont transportés et stockés dans les feuilles et les branches des plantes au fur et à mesure de leur croissance. Les agriculteurs peuvent tailler ces feuilles et petites branches et les étendre autour de leurs cultures en utilisant une technique souvent appelée « hacher et lâcher » ou « chop and drop » en anglais. Ces feuilles et ces tiges recouvrent et protègent le sol à mesure qu'elles se décomposent, libérant lentement leurs nutriments dans la zone racinaire du sol où des cultures à racines peu profondes peuvent l'utiliser. Puisque la technique de hacher et lâcher protège les sols de l'exposition au soleil et au vent, les sols sont capables de retenir une teneur en humidité plus élevée, ce qui est extrêmement important en période de précipitations limitées. 

La plantation de contour 

Si le jardin forêt d'un agriculteur se trouve sur un terrain en pente, comme on le voit dans l'est de l'Ouganda, le ruissellement des fortes pluies rend difficile la conservation de l'eau et du sol. Au lieu d'allées droites plantées sur des champs plats, les agriculteurs à flanc de colline utilisent une technique alternative connue sous le nom de plantation de contour ou en courbes de niveau. Cela implique planter des barrières végétales qui suivent les lignes de niveau à travers leurs champs, pour ralentir le ruissellement et piéger les sols qui seraient autrement emportés. Pour créer une barrière plus efficace, les agriculteurs creusent des tranchées à travers les courbes de niveau et utilisent le sol excavé pour créer une berme parallèle le long des tranchées. Ils plantent ensuite des arbres ou des herbes le long des bermes pour créer des barrières denses qui peuvent éventuellement transformer un site en pente en une série de terrasses. 

Le compost 

Une fois les clôtures vivantes et les allées ou les contours établis, les agriculteurs de jardin forêt peuvent accorder plus d'attention à la fertilité du sol. Les agriculteurs travaillent souvent sur des sols dégradés, avec peu de nutriments nécessaires pour faire pousser des cultures saines. Au lieu d'acheter des engrais synthétiques coûteux qui créent une augmentation des nutriments à court terme au détriment de la durabilité à long terme, les agriculteurs qui suivent l'approche jardin forêt établissent des tas ou des fosses de compost. Le compost est un élément essentiel des systèmes agricoles régénératifs car il transforme les résidus de cultures, les déchets alimentaires et le fumier animal en un humus riche en nutriments qui crée des sols durablement sains. Le compost est essentiel pour les agriculteurs qui cherchent à mieux utiliser leur eau disponible tout en améliorant considérablement la fertilité de leur sol. Le compost héberge et nourrit une multitude d’insectes bénéfiques qui creusent des réseaux de tunnels autour des systèmes racinaires des plantes, permettant une meilleure aération et une meilleure infiltration de l'eau. Il contient une abondance de nutriments qui aident les cultures à pousser. La matière organique du compost retient l'eau et les nutriments pendant de longues périodes, minimisant le lessivage et aidant les cultures à tolérer des conditions sèches plus longtemps. Vous pouvez tout savoir sur le compostage au chapitre 14 du manuel technique

Une fois que le compost d'un agriculteur est prêt, il est temps de planter des pépinières de légumes et d'aménager et d'établir le permajardin ou jardin durable. Pour s'assurer que ces éléments du jardin forêt disposent des ressources dont ils ont besoin pour réussir, les agriculteurs pratiqueront des techniques telles que le paillage, les cultures de couverture, la rotation des cultures et les travaux de terrassement. 

Le paillage 

Le paillage est l'une des techniques les plus courantes utilisées par les jardins forêts pour conserver l'eau et protéger leurs sols. En étalant une couche de matière organique à la surface du sol, les agriculteurs sont en mesure d'atténuer la concurrence des ressources en supprimant la croissance des mauvaises herbes, en réduisant l’évaporation, permettant une plus grande rétention d'humidité. En Ouganda, le matériel de paillage comprend généralement des résidus de haricots ou des pailles de maïs. Au Sénégal, les agriculteurs utilisent souvent des coques d'arachide ou du son de mil ainsi que des herbes séchées. 

Les cultures de couverture 

Lorsque les agriculteurs ont affaire à des terres extrêmement dégradées et qu'il n'est tout simplement pas possible d'appliquer le compostage sur l'ensemble de la parcelle, ils peuvent faciliter la production de leurs sols en plantant une culture de couverture. Les cultures de couverture sont généralement plantées comme un revitalisant du sol au lieu d'un produit récoltable, mais les agriculteurs du programme jardin forêt sont toujours désireux d'exploiter les attributs polyvalents des espèces végétales. Au Sénégal, les agriculteurs plantent des pommes de terre, des courges, des pastèques et des haricots, ce qui leur permet de protéger leurs sols du soleil et du vent, tout en ayant du revenu éventuel et quelque chose à manger à la maison. Après la récolte, le feuillage des cultures de couverture est laissé en place pour servir d'engrais vert et éventuellement se décomposer pour libérer de précieux nutriments dans le sol. 

La rotation des cultures 

Même si les agriculteurs utilisent toutes les techniques mentionnées ci-dessus, ils seraient toujours confrontés à des problèmes s'ils plantaient les mêmes cultures saison après saison. Comme différentes familles de plantes ont besoin de nutriments spécifiques pour pousser, la plantation répétée de la même famille épuisera rapidement les nutriments dont ils ont besoin pour une récolte saine. Pour éviter cette trajectoire de type monoculture, les agriculteurs de jardin forêt pratiquent la rotation des cultures. En alternant les cultures d'une famille de plantes différente de celle cultivée auparavant, les agriculteurs peuvent mieux utiliser les différents éléments nutritifs dans leur champ. L'approche du jardin forêt recommande un cycle de plantation d'une culture feuillue (qui a besoin de plus d'azote), suivie d'une culture fruitière comme la tomate (qui a besoin de moins d'azote et de plus de phosphore), suivie d'une racine (qui a besoin de peu d'azote, de plus de potassium et d’un peu de phosphore), suivi d'une légumineuse (qui restitue l'azote au sol). 

Les travaux terrassements 

Les travaux de terrassement sont une autre technique majeure que les agriculteurs appliquent dans leur jardin forêt. Cette technique fait référence à un groupe de structures de conservation des sols et de l'eau, généralement construites avec de la terre, des pierres ou d'autres matériaux disponibles localement, pour ralentir ou arrêter le ruissellement et l'érosion des sols. Les agriculteurs doivent être très intentionnels lors de l'établissement de ces structures - en s'assurant que l'eau arrive là où elle est le plus nécessaire et y reste. L'une des structures de terrassement les plus couramment utilisées au Sénégal, en Ouganda et au Kenya est une cuvette. Ce sont de petits monticules circulaires de terre, aussi appelés des bermes, que les agriculteurs forment autour de la zone racinaire de leurs arbres fruitiers. Lors de l'arrosage des arbres ou de l'application de paillis et de compost, ces murs de protection garantissent que l'eau et les nutriments sont maintenus et absorbés autour de la zone racinaire, là où ils sont le plus nécessaires, plutôt que de se répandre dans d'autres zones. 

 

Les agriculteurs avec des jardins forêts en pente peuvent aussi exploiter les mêmes avantages que les cuvettes grâce à l'utilisation de bermes en « demi-lune » ou « boomerang ». Plutôt que de boucler le cercle complet comme une cuvette, les agriculteurs formeront un demi -cuvette circulaire sur le côté inférieur de l'arbre afin que le ruissellement des pluies soit capté et forcé de couler autour de la zone racinaire des arbres. Pour maximiser l'efficacité de ces bermes sur les terrains en pente, les agriculteurs de jardin forêt échelonneront soigneusement leurs arbres avec leurs demi-lunes jumelées de sorte que lorsqu'une berme se remplira d'eau et commencera à déborder, ce ruissellement sera ralenti et capté par la prochaine berme demi- plus basse sur la pente.

Les agriculteurs du monde entier luttent contre les effets du changement climatique sur des ressources déjà limitées. L'approche jardin forêt aide les agriculteurs à réfléchir à la productivité et à la santé à long terme de leurs terres tout en prenant des mesures essentielles pour rendre leurs systèmes agricoles aussi résilients et productifs que possible. L'un des moyens importants qu'ils utilisent pour y parvenir consiste de puiser à partir d'une grande variété de techniques de conservation des sols et de l'eau. Dans cet esprit, notre équipe de formation cherche toujours à expérimenter et à ajouter de nouvelles techniques au répertoire de l’approche jardin forêt. Avez-vous des techniques à apporter ? Contactez-nous à l' adresse training@trees.org avec pour objet : "Contribution SWC". 

 


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